Le cowboy, hypertrophie virile.

Cowboy
A l'occasion de la sortie de "Django Unchained", dernier film de Quentin Tarantino, L'Almanach de Monsieur London se penche sur la figure du cowboy, personnage masculin par excellence.
Une piste poussiéreuse sous un soleil de plomb, à quelques encablures de la frontière mexicaine, dans un no man’s land peuplé de crotales. L’ombre d’un cheval qui avance au pas, ponctué par les crachats de chique de son cavalier. Un chapeau rabaissé sur le front, protégeant à peine des yeux brulés par la lumière du désert, surmontant un visage anguleux, noué, suant. L’image appartient à l’imagerie populaire depuis l’apparition du western dans la culture contemporaine. Elle pourrait être tirée de n’importe quel film utilisant toutes les ficelles du genre, depuis les premières productions américaines à l’aube du XXe siècle, jusqu’aux dernières flammes du western spaghetti, ou des résurgences du genre au cours des années 90 et 2000 avec des productions comme « Tombstone », « Impitoyable » ou encore plus récemment « L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » ou « 3h10 pour Yuma ».

Pas un seul art populaire que le genre n’ait d’ailleurs envahi. Que l’on songe ainsi à la télévision, avec des séries légendaires comme « Rawhide » ou « les mystères de l’Ouest » dans les années 60, ou plus récemment à la production d’AMC « Hell on Wheels », série servie par un générique génial dû au grand compositeur de musique de films Gustavo Santaolalla. Ou encore à l’univers de la bande dessinée, notamment franco-belge, où le western n’a jamais connu de baisse de popularité, grâce sans doute au succès jamais démentie de la célèbre série Blueberry, et de ses dérivés. Un monument du genre, relatant la vie du lieutenant au nez cassé inventé par les regrettés Jean Michel Charlier et Jean Giraud - alias Moebius - sur le modèle de Belmondo.

Une fascination pour l'Ouest sauvage

Pourquoi tant de fascination ? Faite de bagarres, de mauvais bourbon et d’un flagrant manque d’hygiène, la vie d’un cowboy ne fait pourtant pas rêver au premier abord. Au cinéma, elle se finit souvent six pieds sous terre, après une pendaison express dans la ville d’un petit sheriff véreux, l’attaque d’une tribu d’indiens révoltés, ou encore la traitrise d’un camarade de banditisme.

Reste surement la mythologie de la frontière, d’un mode de vie libre et individualiste, en voie de disparition définitive dans le monde contemporain. L’ouest sauvage, fantasmé, appelle à l’existence au grand air, à dos de cheval, et aux cavalcades loin de tout. Un monde ou l’on peut courir des kilomètres sans rencontrer un autre être humain, apercevant encore une nature intouchée, où la lourde main de l’homme ne s’est pas posée. Un rêve écolo-libertarien. Dormir sous les étoiles, la tête sur une lourde selle en cuir, pendant que son cheval broute les quelques herbes que le soleil n’a pas brulé. Faire cuire son café sur un feu de bois au réveil, dérangé seulement par le cri des animaux. Loin des tracasseries quotidiennes du monde citadin, des formulaires 86Xb-63, des rendez vous au Pole Emploi et de la bouffe en barquette plastique.

Certes, il est peu d’endroits au monde ou l’on peut encore parcourir des centaines de kilomètres sans croiser une ville. Il y a les déserts, Sahara, Atacama, Gobi et autres, les immenses forets du grand nord canadien, l’Alaska, quelques coins perdus des hauts plateaux andins, le Groenland, l’antarctique, les profondeurs moites de Amazonie s et les hauteurs himalayennes. C’est a peu prêt tout. Puissant moteur d’imagination, la chevauchée du cowboy, héros indépendant par excellence parce que toujours plus ou moins hors la loi, évoque cette solitude, empreinte de liberté, perdue à tout jamais. Mais ambivalente, elle suggère aussi la nostalgie d’un monde moins civilisé, où il n’est pas de mauvais gout d’être machiste et raciste, et ou tout le monde trouve normal de n’avoir comme loi que celle du talion. Pas sur que la fascination pour le genre soit toujours de très bon gout…

L'évolution des moeurs

Mais voici que Tarantino s’attaque au genre, en renversant pour une fois la charge, faisant d’un personnage noir son héros, dans un univers ou les minorités n’ont jamais été à la fête. Mexicains paresseux, noirs dominés et indiens cruels ont toujours été les dindons de la farce cinématographique américaine, et il est salutaire qu’un réalisateur retourne la chose. Brokeback Moutain avait commencé le travail d’adaptation du Poor Lonesome Cowboy au XXIe siècle, Django Unchained le poursuit, et c’est tant mieux. Car après tout, le cowboy est une figure trop importante pour le laisser au passé. Alors bien sur, John Wayne se retournerait dans sa tombe en voyant dans un western un noir faisant autre chose que chanter le blues dans un champ de coton, ou un cowboy embrasser goulument un autre moustachu… Mais comme disait l’autre, il faut que tout change pour que rien ne change. 

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